philippe chavaroche

philippe chavaroche

échos d'une journée avec Pierre DELION à Canet-en-Roussillon le 9 mars 2013

 

 

Compte-rendu
de la « Journée avec Pierre DELION »

organisée par les Associations

APEX,
EQUINOXE et AFPREA

 

 

le 9 Mars
2013 à Canet en Roussillon

 

 

Dans
son introduction , Michel Balat rappelle que Pierre Delion est
un habitué des rencontres de Canet.

Il
lui suggère d'évoquer la question de la « consultation »
à partir d'un de ses ouvrages :
« La
consultation avec l'enfant, approche psychopathologique du bébé à
l'adolescent »
(Collection
« Les âges de la vie » Masson, 2010).

 

Pierre
Delion commence par pointer un des risque de la pédo-psychiatrie
actuelle, celui de se prendre pour le « nec plus ultra »,
une discipline jugée plus « noble » que la psychiatrie
générale. Il rappelle toutefois qu'a d'abord existé la psychiatrie
générale, cette discipline étant même pour Tosquelles non pas une
branche de la médecine mais l'inverse, c'est la médecine générale
qui est une branche de la psychiatrie.

Pierre
Delion évoque les grandes avancées de la psychiatrie générale,
notamment la création du secteur qui va promouvoir la continuité
des soins, suivant en cela l'idée que la maladie mentale est une
pathologie « chronique » et qu'elle nécessite en cela
une continuité à la fois à l'hôpital quand c'est nécessaire et
au dehors, au plus près du milieu de vie du patient. L'idée de
« chronicité » est aujourd'hui décriée alors qu'elle
est justement à la base de la continuité des soins.

Le
risque pour une pédo-psychiatrie qui se couperait de la psychiatrie
générale serait d'oublier que l'enfant est l'enfant de quelqu'un,
qu'il est inséré dans un milieu familial et social qui lui-aussi
est en souffrance.

Les
parents sont très souvent aux prises avec des difficultés
psychopathologiques, soit parce que la maladie de leur enfant les
rend malades dans leur parentalité, soit parce qu'ils sont eux-mêmes
en difficultés psychopathologiques. (ce dernier point est toutefois
de plus en plus difficile à aborder, voire même interdit!)

Au
départ, il n'y avait donc qu'une psychiatrie générale s'occupant
aussi bien des enfants que des adultes dans une même démarche, une
« clinique de secteur ». Cet enseignement est pour Pierre
Delion très important et constitue un base incontournable de son
approche de la consultation : on accueille non pas un enfant
seul mais un enfant dans un contexte social et familial.

 

Si la
constitution du secteur psychiatrique s'est faite par la profonde
remise en cause de l'asile, il évoque les risques d'une pensée qui,
à cette époque, pouvait considérer la maladie mentale comme une
conséquence de l'aliénation sociale. Il aurait suffit alors, pour
certains, de transformer la société pour supprimer la maladie
mentale. Ce fut notamment le message véhiculé par
« l'anti-psychiatrie »

Cette
idée, Pierre Delion trouve qu'elle se perpétue actuellement dans
l'idée qu'il suffirait d'avoir de bons « dispositifs »
de soins, un hôpital bien géré... pour que la maladie soit
éradiquée...

Or,
pense-t-il, ces idées font trop souvent l'économie de la rencontre
singulière avec le patient, elles évacuent l'engagement personnel
du soignant.

 

Pierre
Delion pose donc pour fondement de cette rencontre la « relation
transférentielle », « tissu dans lequel on va tailler le
costume thérapeutique adapté à chaque patient. »

Il
note que l'idée de « transfert » a totalement disparue
aujourd'hui. Le transfert, c'est, dit-il, le fait de se retrouver
régulièrement dans une relation, ce qui était bien présent dans
la notion de « continuité des soins » prônée par le
secteur psychiatrique, c'en était même la traduction dans la
circulaire de 60.

Le
transfert, dans de nombreuses situations psychopathologiques, va se
jouer au sein d'une « constellation transférentielle »
car, notamment chez les autistes, les investissements ne se font pas
sur les personnes mais sur des objets partiels, des « bouts »
de choses ou de personnes. C'est dans la réunion que ces éléments
épars vont pouvoir être contenus et mis en lien. Il souligne dans
cette constellation transférentielle l'importance des détails comme
signes cliniques utiles à relever, la fonction « sémaphorique ».

 

La
consultation est donc pour Pierre Delion la mise en œuvre d'un
accueil avec cette logique transférentielle sous-jacente et non,
comme c'est le cas aujourd'hui, le fait de cocher des cases pour
établir un diagnostic selon les normes du DSM !

Il
insiste sur la notion « d'accueil » qui ne peut se
réduire à des protocoles mais une véritable disposition à
accueillir la souffrance de l'autre. Il parle d'ailleurs d'un
« accueil diagnostique », le mot « diagnostic »
venant de « gnose » - connaître - « faire
connaissance avec le patient dans la traversée », le connaître
en cheminant avec lui et non seulement faire un « étiquetage
diagnostic »

 

Pour
accueillir le monde interne de l'enfant et de ses parents, il faut,
dit-il, accéder à une « inter-connaissance », un double
transfert où le soignant n'est pas en position de «pouvoir
médical » mais à un même niveau de recherche que l'enfant et
ses parent qui, eux-aussi, doivent faire connaissance avec le
soignant. La consultation repose alors sur la capacité
« d'inter-connaissance » des personnes qui se rencontrent
dans ce moment.

 

Dans
cette consultation, des éléments vont aider à préciser la
structure psychopathologique et plus particulièrement  dans la
manière dont le soignant va être sollicité dans son
contre-transfert vis-à-vis de ce qu'il reçoit du patient. S'il est
pris dans l'idée qu'il « ne va pas s'en sortir tout seul »,
il est évident qu'il s'agit d'une structure autistique ou
psychotique alors que le contraire (se sentir investi
personnellement) signe vraisemblablement une structure névrotique.

 

En
précisant ces éléments reçus du patient, Pierre Delion évoque la
différence, fondamentale pour lui » entre les
« projectiles »
reçus des psychotiques, éléments psychiques morcelés, bizarres,
angoissants... qui viennent « prendre la tête » du
soignant - identification projective patthologique -  et ce qu'il
nomme les
« adhésiles »
- identification adhésive pathologique – qui viennent se marquer à
la surface du corps du soignant, sur sa peau. Il évoque à ce propos
de véritables agrippements à l'autre pour tenir face aux menaces de
« chute sans fin » qu'ils vivent. 

 

A ce
propos, il évoque le scandale de l'unification, dans le DSM V, dans
le même registre des TSA (Troubles du Spectre Autistique) de ces
deux pôles psychopathologiques, très différents et demandant des
approches très différentes. L'autisme a maintenant tendance à
englober, de manière hégémonique, des troubles d'essence pourtant
très distincts. Au moins, dit-il, quand le DSM IV parlait des TED
(Troubles Envahissants du Développement), on pouvait encore penser
ces troubles du développement dans des distinctions cliniques et
théoriques... Il note que la prévalence épidémiologique de
l'autisme est passée en une trentaine d'années de 2,5 à 4/10000 à
1/65, donc ce trouble deviens une sorte de « fourre-tout » !

Il
note aussi que le syndrome d'Asperger va disparaître du DSM V car,
sous la pression des lobbies de patients Asperger, celui-ci n'est
plus reconnu comme une maladie mais comme une manière différente de
penser le monde. Le risque est que de nombreux enfants Asperger, vu
leurs grandes difficultés d'insertion sociale, peuvent être pris
comme « bouc-émissaires » dans le milieu scolaire et en
souffrir profondément. S'ils ne sont plus répertoriés dans le
champ des maladies, ils ne seront plus accompagnés et soutenus dans
cette difficulté. 

De
même, cette approche vise à établir que le devenir de tout enfant
autiste pris en charge « correctement » (autrement dit
avec les méthodes comportementales) est d'évoluer vers un Asperger.
C'est profondément méconnaître les réalités cliniques de ces
enfants, tant sur le plan de leurs angoisses archaïques qui peuvent
perdurer et de leur déficience mentale qui est présente dans de
nombreux cas.

 

La
consultation va donc entraîner le déploiement du dispositif
institutionnel contre-transférentiel, élévation du transfert
individuel vers la « constellation transférentielle ».

L'institution
étant la possibilité d'utiliser le « collatéral »
(l'image du billard à trois bandes!), seul on ne peut rien sinon
s'épuiser dans la confrontation directe avec la pathologie et
s'enfermer dans ses résistances.

Dans
cette perspective, le diagnostic est une dynamique de pensée
collective vivante et non un simple étiquetage, un processus qui
évolue et se remet en question en permanence au sein de la
constellation transférentielle.
La consultation peut aussi être
envisagée comme une situation de « crise » (idée
notamment développée par Maldiney et R. Thom), comme possibilité
d'une connaissance ouverte, de ne pas enfermer trop rapidement
l'enfant dans une pensée définitive. C'est en ce sens que la
demande de diagnostic de plus en plus précoce peut présenter le
risque de cette fermeture. D. Petit parle d'une juste mesure entre
« l'hypercrisie », s'agiter et produire rapidement du
diagnostic et des mesures thérapeutiques et éducatives, et
« l'hypocrisie », ne rien faire, laisser l'enfant et sa
famille dans leur état dramatique.

 

Michel
Balat, à propos de la consultation telle que la développe Pierre
Delion, fait un lien avec les deux logiques développées par Pierce,
la
« logique
du général 
»,
formelle, univoque, sans alternative autre... et la
« logique
du vague
 »,
contradictoire, qui peut dire une chose et son contraire sans que
cela ne s'annule... qui ouvre à des possibles... qui permet des
« greffes de possible ».

 

En
accord avec le principe de cette « journée avec »,
Pierre Delion a fait de nombreuses digressions, associations... a
évoqué avec humour et parfois colère ce qu'il vit depuis quelques
années à propos d'autisme et de « packing »... il
invite les équipes de pédo-psychiatrie à le rejoindre dans la
recherche qu'il mène actuellement sur le « packing » et
dont les premiers résultats confirment ce que l'on savait dans la
clinique : les effets bénéfiques de cette thérapie sur les
enfants autistes vivant des angoisses très archaïques.

 

Nous
avons été, durant cette journée, à l'écoute attentive et amicale
de Pierre Delion dans ce lieu qui porte ce nom prédestiné :
« L’Écoute du port »

 

 

 

 

 

 

 



17/03/2013
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